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condition, que je tombe d’accord que le plus Grand Roy du monde, ne pourroit jamais pretendre à l’honneur d’eſtre aimé de vous, ſans une temerité criminelle. Mais, Madame, puis que les Dieux vous ont miſe au deſſus de tous les Rois de la Terre ; & que nul ne sçauroit pretendre à la gloire de vous poſſeder ſans vous faire injure ; j’ay creû que je pouvois auſſi toſt qu’un autre, aſpirer à eſtre cét heureux temeraire, que les Dieux vous ont deſtiné. je ſuis peut— eſtre moins que les autres par moy meſme : mais je ſuis du moins autant que les autres, par la Couronne que je dois porter : & plus que les autres, par la paſſion que j’ay pour vous. Ainſi, Madame, quelque injuſte que je ſois, je merite peut-eſtre quelque compaſſion : principalement ſi vous connoiſſez que je n’ay fait, que ce que je n’ay pû m’empeſcher de faire. Car enfin, ſi l’euſſe eu quelque autre voye, de pouvoir eſperer l’honneur où je pretens, je n’aurois pas pris celle dont je me ſuis ſervy ; mais vous sçavez bien Madame, qu’Aſtiage ny Ciaxare, quand meſme j’euſſe eſté aſſez heureux, pour n’eſtre pas mépriſé de vous, n’auroient jamais aprouvé la propoſition que je leur aurois fait faire. Que vouliez vous donc que devinſt un Prince, qui vous aimoit ; qui vous adoroit ; & qui ne voyoit à ſon choix, que Mandane ou la mort ? La mort (reprit la Princeſſe avec beaucoup de colere) euſt eſté un choix plus juſte, & plus judicieux tout enſemble : car enfin s’il eſt vray que vous aimiez Mandane, elle rendra voſtre vie plus cruelle, que la mort ne vous l’euſt eſté ; Peut-eſtre Madame, repliqua t’il, que me voyant eternellement à vos pieds, avec une ſoumission ſans égale, vous laiſſerez vous toucher à mes larmes & à mes ſoupirs.