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doute, diſoit il encore, beaucoup de diſposition : car enfin vous m’avez dit qu’elle eſt belle, qu’elle a de l’eſprit ; & de la vertu. Pourquoy donc ne l’aimez vous pas ? Parce, luy reſpondoit Mazare, que le moment fatal où je ſuis deſtiné d’aimer n’eſt pas arrivé : & parce que la Reine ne le ſouffriroit pas : & que de plus la Princeſſe Iſtrine ne me regarderoit pas favorablement.

Apres avoir en vain bien tourmenté Mazare, il fut en trouver un autre, que l’on dit qui eſtoit effectivement amoureux d’Iſtrine ſans oſer le dire ; & qui n’oſa pourtant jamais l’avoüer au Prince, ny accepter les aſſistances qu’il luy offroit : pour le reſpect qu’il avoit pour la Reine Nitocris, & meſme pour la Princeſſe qu’il aimoit. Car enfin le Prince d’Aſſirie ne leur propoſoit pas moins, d’enlever Iſtrine pour eux : & de la leur donner par les voyes les plus injuſtes & les plus violentes. Voyant donc que cette invention qu’il avoit crû fort bonne ne luy reüſſissoit pas, il prit la bizarre reſolution, de taſcher de ſe faire haïr de la Princeſſe Iſtrine : & comme il sçavoit qu’elle aimoit tendrement ſon Frere ; il affecta de le traitter avec froideur : ne pouvant obtenir de luy, de faire directement une incivilité à cette Princeſſe. Un ſoir donc que l’on ne faiſoit plus qu’attendre celuy qui eſtoit allé faire ſigner les Articles de Paix au Roy de Phrigie ; le Prince d’Aſſirie s’eſtant allé promener au bord de l’Euphrate, Intapherne le ſuivit avec beaucoup d’autres : & comme ils eſtoient en un age où pour l’ordinaire les Dames ont beaucoup de part en la converſation ; Mazare diſoit que les Beautez blondes touchoient ſon cœur : & Intapherne aſſuroit que les brunes avoient plus de part en ſon inclination.