Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée

attendez, luy dit il, à le loüer avec tant d’exces, que nous ayons eſté enſemble à la guerre de Phrigie : car a mon advis, il y a plus de gloire à vaincre des hommes qui ſe deffendent, qu’à tuër des beſtes qui fuyent. Intapherne n’entendit pas ce que le Prince d’Aſſirie avoit dit, quoy qu’il fuſt aſſez proche : mais quelqu’un le luy ayant redit apres, il en eut l’eſprit un peu aigry : & de ce petit démeſlé eſt venu le faux bruit qui s’eſt eſpandu dans les Nations Eſtrangeres, que le Prince l’avoit tué à la chaſſe : ce meſme bruit prenant avec auſſi peu de verité, le Fils de Gadate, pour le Fils de Gobrias : & la choſe ſe paſſa purement comme je la dis. Cependant la Reine voyant que les affaires de Phrigie tiroient en longueur, fit encore preſſer le Prince d’eſpouser Iſtrine : & employa pour le luy perſuader Mazare, Prince des Saces, qui eſtoit alors à la Cour, & que le Prince d’Aſſirie aimoit cherement. Mazare s’aquitant de ſa commiſſion, demanda donc preciſément au Prince d’Aſſirie, d’où pouvoit venir la repugnance qu’il teſmoignoit avoir au Mariage qu’on luy propoſoit ? Car enfin, luy diſoit il, la Princeſſe Iſtrine eſt belle. Il eſt vray, reſpondit il, mais elle ne l’eſt pas comme il le faudroit eſtre pour toucher mon cœur. De plus, adjouſtoit Mazare, elle a de la douceur & de la complaiſance, autant que vous en pouvez deſirer : ſi elle eſtoit un peu plus fiere, repliquoit le Prince d’Aſſirie, elle me plairoit davantage : Mais n’avoüez vous pas, reprenoit Mazare, qu’elle a beaucoup d’eſprit, & meſme beaucoup de vertu ? je croy le dernier, reſpondit il, mais pour l’autre, puis qu’elle n’a pas sçeu par quelle voye elle pouvoit toucher mon cœur, je penſe qu’il m’eſt permis de le mettre en doute.