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dire qu’il ne croyoit pas qu’un Prince qui n’avoit point encore eſté à la guerre, deuſt ſonger ſi toſt à des nopces. La Reine qui connoiſſoit l’humeur violente du Prince, creut qu’il faloit luy donner du temps : & principalement parce que ſelon les aparences, il devoit y avoir guerre contre le Roy de Phrigie, qui avoit fait quelque irruption ſur les Frontieres d’Aſſirie qui touchent ſes Eſtats. Depuis cette propoſition, le Prince qui auparavant ne teſmoignoit avoir que de l’indifference, changea ſa forme de vie : & eſvita autant qu’il pût, de rencontrer la Princeſſe Iſtrine en nulle part : & pour cét effet, il s’accouſtuma d’aller preſque tous les jours à la chaſſe ; afin de n’eſtre pas obligé d’aller ſi ſouvent chez la Reine. Mais en eſvitant la converſation de la Sœur, il n’eſvitoit pas celle du Frere : & Intapherne le ſuivoit par tout, ce qui ne plaiſoit guere au Prince. Il arrivoit meſme aſſez ſouvent, qu’Intapherne penſant aquerir ſon eſtime, augmentoit encore ſa haine : car comme il n’aime pas à eſtre ſurmonté en nulle choſe ; l’adreſſe extraordinaire qu’avoit Intapherne à lancer le javelot & à tirer de l’arc, luy donnoit de l’envie à toutes les Chaſſes où il ſe trouvoit. Il y en eut une entre les autres, où le Prince ayant tiré ſur une Ourſe la manqua : & un moment apres, Intapherne ayant deſcoché ſa fléche la fit tomber morte : & le meſme jour encore, le Prince d’Aſſirie ayant manqué un Lyon, Intapherne fit ce qu’il n’avoit pû faire, & le tua d’un ſeul coup. Le Prince fut ſi fâché de cette avanture, qu’il ne pût jamais obtenir de luy meſme de loüer Intapherne de ſon adreſſe : & en s’en retournant, il dit quelque choſe d’aſſez piquant à deux pas de ce Prince. Car comme quelqu’un ne pouvoit s’empeſcher de loüer Intapherne ;