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pour le Prince Labinet, qui ne ſe peuvent exprimer : car encore qu’elle fuſt fort jeune, la Couronne d’Aſſirie à laquelle elle croyoit eſtre deſtinée, brilloit aſſez à ſes yeux, pour faire qu’elle n’oubliaſt rien, de tout ce qui pouvoit gagner le cœur du Prince qu’elle eſperoit eſpouser. La Reine de ſa part contribuoit tous ſes ſoings, pour faire naiſtre l’amitié en ces jeunes cœurs qu’elle vouloit unir : & pour cét effet, elle faiſoit que ces deux jeunes perſonnes ſe voyoient ſouvent : & que les Feſtes & les rejouïſſances publiques les expoſoient enſemble à la veüe du Peuple : qui par ſes acclamations, ne manquoit jamais d’aprouver le choix de la Reine : Car à ce que j’ay entendu dire, il eſtoit impoſſible de voir rien de plus beau que la Princeſſe Iſtrine. Pour le Prince d’Aſſirie, nous sçavons qu’en effet il n’y a gueres d’hommes au monde ſi bien faits que luy ; Intapherne auſſi eſtoit beau & de bonne mine : mais quoy que la Reine Nitocris peuſt faire, l’averſion du Prince ſon Fils augmenta avec l’âge : & quelques eſprits mal intentionnez, luy ayant perſuade que la Princeſſe Iſtrine eſtoit un ambitieuſe, qui n’avoit de la complaiſance pour luy, que parce qu’elle vouloit eſtre Reine, il recevoit toute ſa civilité d’une maniere aſſez deſobligeante. Il haïſſoit meſme Intapherne, par cette raiſon ſeulement, qu’il eſtoit Frere de cette Princeſſe, en laquelle toutefois l’on ne remarquoit aucun deffaut ; eſtant certain qu’elle a beaucoup d’eſprit, & que c’eſt une des plus belles brunes du monde.

Cependant le Prince d’Aſſirie ayant atteint ſa dix-huiſtiesme année, & la Princeſſe Iſtrine en ayant quatorze, la Reine voulut faire propoſer au Prince ſon Fils de l’eſpouser : mais il la fit ſupplier de ne le preſſer encore de ſe marier : & luy fit