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Il ſembloit meſme qu’elle ne prenoit pas ſeulement cette reſolution par choix, mais encore par neceſſité : Car de tous les Princes qui avoient pretendu eſpouser la Reine Nitocris, la plus grande partie n’avoient pû ſe reſoudre à ſe marier : & les autres n’avoient point eu de Filles. Ainſi la Princeſſe Iſtrine eſtoit preſque la ſeule perſonne, que le Prince d’Aſſirie pouvoit eſpouser. Mais admirez un peu comment la prudence humaine eſt bornée : cette Grande Reine qui par tant d’Ouvrages publics, s’eſt renduë celebre par tout le monde, & qui la ſera à toute la Poſterité ; ſe trompa en ſon raiſonnement : & ce qu’elle creut devoir faire naiſtre amour, inſpira quelque averſion dans le cœur du jeune Prince d’Aſſirie. La Princeſſe Iſtrine pouvoit avoir dix ans, lors qu’elle arriva à Babilone : Intapherne ſon Frere en avoit quinze ; & le Prince d’Aſſirie quatorze : mais dés ce temps là, cette humeur imperieuſe que nous avons toujours veüe en Philidaſpe, commençoit deſja d’eſclatter. Il vivoit avec Intapherne, d’une maniere qui ne donnoit pas lieu de croire, qu’il le regardaſt comme devant eſtre un jour ſon beau-frere : & il regardoit la Princeſſe Iſtrine avec une indifference ſi grande, qu’il eſt à croire que ſi ce n’euſt eſté la crainte qu’il avoit en cét âge là de deſplaire à la Reine ; l’averſion qu’il avoit pour elle, auroit paru plus viſiblement. Pour Intapherne, comme c’eſt un Prince admirablement bien nay, il vivoit avec le Prince d’Aſſirie avec tout le reſpect qu’il luy devoit : quoy qu’il euſt un peu de peine à ſouffrir ſon humeur altiere. Neantmoins l’ambition & les conſeils de ceux qui avoient ſoin de ſa conduite, faiſoient qu’il avoit beaucoup de complaiſance pour luy. La jeune Iſtrine de ſon coſté, avoit une douceur & une civilité