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de mon Eſtat, & le bien de mes Peuples, ne me permettant plus de me choiſir un Mary, j’ay voulu vous faire sçavoir que je ſuis reſoluë, de faire aſſembler les Eſtats generaux du Royaume : & d’en recevoir un par le ſuffrage univerſel de mes Sujets. S’ils ſont raiſonnables, vous aurez peut eſtre leurs voix, comme je vous euſſe donné la mienne, ſi l’on m’en euſt laiſſé la liberté : mais ſi vous n’eſtes pas choiſi par eux, reſoluez vous Gadate à ne me voir de voſtre vie : & à vous retirer dans la Province qui vous apartient, ſans venir jamais à la Cour. Je ne m’arreſteray point, ſage Chriſante, à vous dire tout ce que dit Gadate à la Reine Nitocris : ny meſme beaucoup de choſes qui ſuivirent cétte converſation, quoy que toute cétte Hiſtoire ſoit admirablement belle, & infiniment touchante : mais je vous diray ſeulement (afin de venir le plus toſt qu’il me ſera poſſible, aux avantures les plus eſſentielles de mon diſcours) que quoy que Gadate peuſt dire, il ne pût jamais obtenir autre choſe, que la liberté de ſoliciter ſes Juges.

En effet, la Reine aſſembla les Eſtats generaux de ſon Royaume : leur declarant qu’elle eſtoit reſoluë de ſonger au repos de ſes Peuples, & de leur laiſſer la liberté de ſe choiſir un Roy. Tous ces Amans irritez, ſurpris de cétte declaration, & ravis de la vertu de la Reine, revindrent à Babilone ſoliciter leurs intereſts : & rendre autant de devoirs à ceux qui formoient l’Aſſemblée, qu’ils en avoient du à la Reine Nitocris. Mais enfin cette puiſſante raiſon d’Eſtat, qui veut que l’on oſte tout ſujet & tout pretexte de guerre civile, fit que les Eſtats generaux ſupplierent la Reine, de vouloir eſpouser Labinet ; ce qu’elle fit, ſans donner aucune marque de repugnance : ayant meſme toute ſa vie