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pour luy donner une marque de ſon affection d’une maniere aſſez nouvelle, & infiniment ſurprenante ; Gadate, luy dit elle, j’ay voulu vous parler aujourd’huy, pour vous aprendre ce que ſans doute vous avez ignoré : du moins sçay-je bien que j’ay aporté quelque ſoin à vous le cacher. Sçachez donc, pourſuivit elle, que je vous ay aſſez eſtimé, pour vous juger digne de porter la Couronne d’Aſſirie. Ha ! Madame, s’eſcria-t’il, elle ſied trop bien à la Reine Nitocris pour la luy oſter : & celuy qu’elle choiſira pour luy faire l’honneur dont elle parle, en ſeroit indigne, s’il ne ſe contentoit d’eſtre ſeulement le premir de ſes Sujets. Attendez Gadate, luy dit elle, à me remercier, que je ſois à la fin mon diſcours : car apres vous avoir donné ce puiſſant teſmoignage de mon eſtime, je pretens vous en demander un de voſtre affection. S’il ne faut, Madame, repliqua t’il, que mourir à vos pieds, le ſuis preſt de vous obeïr : & je ne sçache qu’une ſeule choſe, que je ne puiſſe vous accorder. Aprenez la moy je vous en conjure, luy repliqua-t’elle, afin que je ne vous demande rien d’impoſſible. Gadate qui n’avoit jamais oſe parler d’amour à la Reine, fut un peu ſurpris : neantmoins, apres ce qu’elle venoit de luy dire, il ſe remit aiſément : & la regardant avec autant de reſpect que d’amour ; Pourveu Madame, luy dit il, que voſtre Majeſté ne me deffende pas de l’adorer, je ne luy deſobeïray jamais. Non, luy dit elle en ſoupirant, je ne pretends pas que mon authorité s’eſtende ſur les ſentimens du cœur : & peut-eſtre meſme quand ma domination iroit juſques là, ne voudrois-je pas deſtruire en voſtre ame, les ſentimens que vous avez pour moy. Mais ce que je vous veux dire eſt, que la neceſſité des affaires