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premiere Couronne de toute l’Aſie, elle fit naiſtre plus d’une paſſion dans l’âme de tous les Princes qui la virent : & j’ay entendu aſſurer, que de ce grand nombre qu’il y en avoit qui la ſervoient, il n’y en avoit pas un qui n’euſt pour le moins autant d’amour que d’ambition. Je ne m’arreſteray point à vous dire, avec quelle ſagesse & quelle vertu elle agit en cette rencontre : mais je vous diray ſeulement, qu’entre tous les autres il y en avoit deux qui paroiſſoient plus vray-ſemblablement pouvoir eſperer une heureuſe fin à leurs deſſeins, que tout le reſte de ces illuſtres pretendans. Le premier eſtoit un Prince nommé Labinet, auſſi bien que celuy qui eſt aujourd’huy Roy d’Aſſirie : & l’autre eſtoit Gadate : qui en ce temps là eſtoit un miracle en beauté, en bonne mine, en valeur, en eſprit, en galanterie, & en vertu. Il eſtoit auſſi d’une condition fort relevée : & ſa Race avoit eſté alliée plus d’une fois à la famille Royale. Mais pour l’autre, quoy qu’il ne fuſt pas ſi accomply, & que ſes bonnes qualitez fuſſent moins eſclatantes ; il avoit cét avantage, qu’il ſe diſoit eſtre ſorty d’un des Enfans de Sardanapale, qu’il avoit envoyez en Paphlagonie, auparavant que d’eſtre aſſiegé dans Ninos, & que d’en avoir fait ſon buſcher : (ſi toutefois c’eſt un avantage, de ſortir d’un ſi mauvais Prince) par conſequent, il pretendoit avoir quelque droit à la Couronne : quoy qu’en ce temps là il ne fiſt pas éclater ſes pretenſions onvertement. D’abord comme la Reine eſtoit fort jeune, elle ne conſidera pas cette raiſon d Eſtat : & ſon ame ſe portant à preférer ce qui eſtoit le plus parfait, à ce qui l’eſtoit le moins ; ſon inclination pancha vers Gadate : qui en eſtoit ſans doute le plus digne, &