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luy parleront tellement en vostre faveur, qu’elle ne sera pas si inhumaine : & si je ne me trompe, la chose reüssira mieux que vous ne pensez. Tant y a Seigneur, qu’apres avoir passé une partie de la nuit à raisonner sur cette matiere, Artamene se resolut de chercher quelque occasion favorable de faire connoistre à la Princesse la passion qu’il avoit pour elle, sans toutefois s’en expliquer ouvertement.

Mais helas, durant que nous prenions cette resolution, Mandane en prenoit une autre que nous ne sçavions pas, & qui s’opposoit bien à nos desseins ! le vous ay dit, Seigneur, qu’elle s’estoit retirée dans son Cabinet, où elle ne fut pas plustost, qu’elle apella Martesie ; & luy demanda ce qu’Artamene luy avoit dit, pendant qu’elle parloit au Roy, en entrant chez Philidaspe ? (car elle avoit pris garde à leur entretien. ) Cette Fille luy obeïssant, luy raconta parole pour parole, toute cette conversation : & joignant en suitte ses sentimens à ceux de mon Maistre ; pour moy Madame ; dit-elle à la Princesse, veû la façon dont Artamene m’a respondu, lors que je luy ay tesmoigné vouloir sçavoir s’il aimoit, & qui il aimoit ; je crois qu’il est amoureux. Mandane rougit a ce discours, car elle avoit commencé d’en soubçonner quelque chose : mais voulant sçavoir le sentiment de Martesie sans descouvrir le sien ; & de qui pensez vous qu’il le puisse estre ? luy demanda-t’elle ; pour moy, Madame, adjousta cette Fille, j’y ay tousjours songé depuis cela, sans pouvoir demeurer d’accord avec ma propre raison : Car enfin Artamene ne visite personne avec attachement : il ne parle à pas une de mes Compagnes, qu’autant que la simple civilité le veut : il passe toute sa vie chez le Roy ou chez vous : & si Artamene estoit d’une autre