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venu avec elle, & qui ſe nommoit Orſane : leur diſant qu’il avoit eſté ſon Guide & ſon Protecteur. Cette premiere converſation ne fut pas longue, à cauſe qu’il eſtoit tard : mais Marteſie les pria de revenir le lendemain au matin : parce qu’elle ſeroit bien aiſe de les pouvoir entretenir auparavant que de voir le Roy, qui ne sçavoit pas encore ſon retour : ayant jugé à propos de s’informer un peu des choſes, devant que de paroiſtre à la Cour, & de ſe montrer à luy. Que pour cét effet, elle eſtoit arrivée à la premiere pointe du jour à Sinope : & avoit voulu ſe loger chez ſon parent, où elle pouvoit eſtre avec bien-ſeance : ayant une Fille infiniment aimable & vertueuſe : & qu’ainſi elle les conjuroit de ne dire pas encore qu’elle fuſt revenue. Chriſante & Feraulas la quitterent donc de cette ſorte : & ne manquerent pas de ſe trouver le lendemain à l’heure que Marteſie leur avoit marquée : n’ayant pas voulu faire sçavoir ſon arrivée à Artamene, qu’ils ne sçeuſſent un peu plus de nouvelles de Mandane, pour contenter ſa curioſité, ſon impatience, & ſon amour. Marteſie eſtoit une fille de Themiſcire, de fort bonne condition, de qui Artucas avoit eſpousé une Tante : & c’eſtoit pour cela qu’elle avoit choiſi ſa Maiſon dans Sinope. Comme elle avoit toujours eſté aupres de Mandane, & que la Princeſſe l’avoit touſjours tendrement aimée ; elle l’aimoit auſſi ſi paſſionnément, qu’elle ne gouſtoit preſque point la liberté, dont elle joüiſſoit ſans elle : & quoy que peut-eſtre il y euſt une Perſonne à Sinope, pour qui elle n’avoit pas d’averſion ; neantmoins elle euſt mieux aimé eſtre encore captive avec ſa Maiſtresse, que d’eſtre libre & ne la voir pas. Auſſi parut elle fort melancolique à Chriſante &