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tant de part en ſon cœur, & qui luy en avoit tant donné en ſa confidence : & Chriſante de ſon coſté, qui eſtimoit beaucoup la vertu de cette Fille, luy fit toute la civilité poſſible. Mais comme il n’avoit pas pour elle l’ame ſi tendre que Feraulas. il fut le premier à demander à Marteſie, ſi la Princeſſe n’eſtoit pas auſſi en liberté ? Helas ! ſage Chriſante, luy reſpondit elle en ſouspirant, pluſt aux Dieux que la choſe fuſt ainſi : où que du moins voſtre illuſtre Maiſtre ne fuſt pas en priſon comme je l’ay sçeu, & qu’il fuſt en eſtat de la pouvoir delivrer. Quelque joye qu’euſt Feraulas de revoir Marteſie, ce qu’elle dit la diminua : car il n’avoit point du tout douté en la voyant, que la Princeſſe ne fuſt à Sinope auſſi bien qu’elle. Mais comme tout ce qu’il penſoit ne ſe devoit pas dire devant Arnicas, ny devant ſa Fille, qui ne sçavoient rien de l’amour d’Attamene pour la Princeſſe ; Chriſante & Feraulas mouroient d’envie de de mander cent choſes à Marteſie qu’ils ne luy demandoient pas : & elle de ſon coſté, leur reſpondoit auſſi pluſieurs choſes, qu’elle ne leur auroit pas reſponduës s’ils euſſent eſté ſeuls. Du moins, diſoit Chriſante, vous nous aſſurez que la Princeſſe eſt en vie : car bien qu’Ortalque nous l’ait dit, nous ferons encore incomparablement plus ſatisfaits de vous l’entendre dire. Feraulas luy demandoit comment elles avoient échapé du naufrage ? Chriſante luy vouloit conter la douleur que l’on avoit eue de la pretenduë mort de la Princeſſe ; & tous enſemble faiſant une converſation entre-coupée, au lieu de s’inſtuire de ce qu’ils vouloient sçavoir, ne faiſoient qu’augmenter leur curioſité. Marteſie fit alors ſalüer à Chriſante & à Feraulas un fort honneſte homme qui eſtoit