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Prince ayant donc reſolu d’envoyer à Pterie, jetta les yeux ſur Ortalque, qu’il sçavoit eſtre tres fidelle : & comme chacun avoit alors aſſez de liberté de le voir, cét homme qui eſtoit à luy, n’en perdoit pas l’occaſion : de ſorte qu’il fut facile à Artamene d’executer ſon deſſein. Il envoya donc Ortalque au Roy d’Aſſirie, apres luy avoir fait faire un magnifique preſent, pour l’agreable nouvelle qu’il luy avoit aportée : & luy ordonna de dire de ſa part à ce Prince, qu’il l’advertiſſoit que Mandane eſtoit vivante ; qu’elle s’en alloit en Armenie, ſans qu’il euſt pû sçavoir qui l’y menoit ; & qu’enfin il le prioit de ſe ſouvenir de ne manquer pas de parole, à un homme qui luy tenoit la ſienne exactement, en une occaſion ſi delicatte. Ortalque s’aquita de cette commiſſion, avec autant de fidelité que d’adreſſe : & ſortant de la Ville ſur le pretexte de quelque affaire qu’il avoit en ſon particulier, il fut à Pterie, qui n’eſt qu’à huit Paraſanges de Sinope, c’eſt-à dire à cent ſoixante & dix ſtades, où il trouva que le Roy d’Aſſirie eſtoit preſt d’en partir. Ce Prince fut ravy de la generoſité d’Artamene : & eut une joye inconcevable, de la certitude de la vie de Mandane : car par les Eſpions qu’il avoit dans Sinope, par le moyen d’Artaxe frere d’Aribée, qui avoit touſjours un puiſſant Amy aupres de Ciaxare ; il atioit sçeu le naufrage de Mazare, & la crainte que l’on avoit que la Princeſſe n’euſt pery. Il reçeut donc Ortalque admirablement : & lors qu’il le congedia, apres luy avoir fait un preſent magnifique, dites à Artamene, luy dit il, que le Roy d’Aſſirie eſt au deſespoir, de ne pouvoir pas luy promettre d’eſtre ſon Amy : mais du moins puis que la Fortune veut qu’ils ſoient toujours ennemis, aſſurez le qu’il ne fera jamais