Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée

la vie, & pour aider à l’enlevement de Mandane : je n’arrivay à Sinope, que pour le garantir de la rigueur des flames : & je n’aprens aujourd’huy que ma Princeſſe eſt vivante, que pour luy donner la ſatisfaction de le sçavoir par mon moyen, & pour luy faciliter la voye de la delivrer. Car enfin puis que je l’ay promis il le faut tenir : Mais helas, diſoit il encore, quelle aparence y a-t’il, que je luy aprenne qu’elle eſt en Armenie, pendant que je ſuis dans les fers ? Tout ſon Royaume n’eſt pas ſi abſolument deſtruit, qu’il n’ait encore quelques Troupes diſpersées qu’il peut ramaſſer : une partie de l’Affine reconnoiſt encore ſa puiſſance ; la moitié de la Capadoce eſt pour luy : & il la pourroit peut-eſtre auſſitost delivrer que Ciaxare. Que feray-je donc, & que reſoudray-je ? Mais que fais-ie ? Adjouſtoit-il en ſe reprenant, je confulte ſur une choſe promife ! Non non, ne balançons pas davantage : & ſi nous voulons que l’on nous tienne ce que l’on nous a promis, gardons nous bien de manquer à noſtre parole. Et puis, le Roy d’Aſſirie eſtant auſſi brave qu’il eſt, ne nous donne pas, ſujet de craindre : joint qu’à dire vray, nous ne luy aprendrons que ce qu’il ne pourroit manquer de sçavoir bien toſt : n’eſtant pas poſſible que la vie & la priſon de la Princeſſe Mandane puiſſent eſtre long temps cachées. Artamene conſidera pourtant encore, qu’eſtant accuſé par Ciaxare d’avoir une intelligence avec le Roy d’Affine, c’eſtoit s’expoſer à ſe perdre, ſi ce qu’il vouloit faire eſtoit deſcouvert : mais la crainte du peril ne pouvant jamais eſtre une bonne raiſon, pour empeſcher Artamene de faire ce qu’il avoit promis, il ne fit pas une longue reflexion là deſſus. Ce genereux