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ay quelque douleur que vous sçachiez la verité de ma vie, ce n’eſt que pour l’intereſt de cette illuſtre Princeſſe. Ce n’eſt pas qu’elle ne ſoit innocente, & que ſa vertu ne la mette à couvert de toutes ſortes de calomnies : mais apres tout, je voudrois que vous me creuſſiez auſſi criminel que Ciaxare me le croit, & que vous ne sçeuſſiez pas ce qui me peut juſtifier. Ces Princes l’entendant parler ainſi, ne purent s’empeſcher de ſous-rire : & d’admirer en ſuitte la force de cette reſpectueuse paſſion, qui luy faiſoit preferer l’intereſt de ſa Princeſſe, non ſeulement à ſa propre vie, mais à ſa propre gloire. Enfin apres une aſſez longue converſation, où ils ne sçavoient pas trop bien que reſoudre ; ils firent deſſein de taſcher de tirer les choſes en longueur : & de faire durer quelques jours la permiſſion qu’ils avoient de le voir. Ils luy dirent que durant cela ils luy conſeilloient de parler touſjours de Ciaxare comme il faiſoit : c’eſt à dire avec beaucoup de reſpect & d’affection. Que de leur coſté, ils diroient au Roy de Medie qu’ils ne perdoient pas eſperance de sçavoir quelque choſe de ce qu’il deſiroit d’aprendre : mais qu’il faloit qu’il ſe donnaſt un peu de patience : que ce pendant ils exciteroient encore tous les Capitaines, & meſme tous les Soldats, à demander ſa liberté : & qu’enfin l’on agiroit apres, ſelon que Ciaxare paroiſtroit plus ou moins irrité contre luy. Artamene les remercia tres ciuilement, de leurs bonnes intentions ; & fit en cette rencontre, ce qu’il n’euſt pas creu devoir faire deux jours auparavant : qui fut qu’il les ſolicita ardamment de rompre ſes fers. Car depuis qu’il avoit sçeu que la Princeſſe Mandane eſtoit vivante, & qu’elle eſtoit captive ; ſa priſon luy eſtoit devenuë inſuportable. Chriſante &