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Aglatidas, il avoit pour tant quelque impatience de n’eſtre plus obligé de renfermer ſa joye dans ſon cœur. Ils ne furent donc pas pluſtost ſortis, que ne pouvant plus s’empeſcher d’eſclater, quoy ma Princeſſe, dit il, vous eſtes vivante, & je puis enfin ne craindre plus voſtre mort ! Quoy, toutes ces images funeſtes de Tombeaux & de Cercueils, doivent donc s’effacer de ma fantaiſie ! & je puis croire que vous reſpirez ; que vous vivez ; & que peut-eſtre vous penſez à moy ! Ha ! qui que vous fuyez d’entre les Dieux ou d’entre les hommes, qui avez faune ma Princeſſe de la fureur des vagues, & d’un peril preſque inevitable, que ne vous doit point Artamene ? Si c’eſt une Diuinité, elle merite tous mes vœux : & ſi c’eſt une perſonne mortelle, elle eſt digne de tous mes ſervices. Mais quoy qu’il en ſoit Mandane, illuſtre Mandane vous vivez : & je puis abandonner mon âme à tous les plaiſirs, comme je l’avois abandonnée à toutes les douleurs. Mais hélas (reprenoit il, apres avoir eſté quelque temps ſans parler) je ne ſuis pas ſi heureux que je penſe l’eſtre ! car enfin Mandane eſt vivante, il eſt vray ; mais elle eſt captive : & ce qu’il y a de cruel, c’eſt que je ſuis dans les fers, & par conſequent peu en eſtat de la ſecourir. Mais encore, adjouſtoit il, de qui peut elle eſtre captive : Quel Roy peut eſtre celuy dont elle veut parler ? qu’en veut elle dire par ſon Billet ? & quelle cruelle avanture eſt la mienne, de ne pouvoir gouſter en repos, la plus grande joye dont un eſprit amoureux puiſſe eſtre capable ? Toutefois ne fuis-je point criminel, reprenoit-il, d’avoir la liberté de raiſonner, ſur l’eſtat preſent de ma vie ? en un jour où je voy ma Princeſſe reſſuscitée ; en un jour où il m’eſt meſme permis d’eſperer de la revoir.