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Mandane, & ne cherche que son affection. Seigneur (luy dis-je, car j’estois aupres de luy, lors qu’il s’entretenoit tout haut & tout seul de certe sorte) le moyen que cét amoureux Artamene que vous desirez qui soit favorisé le puisse estre, si Mandane ne le connoist point ? Voulez vous, Seigneur, que la plus vertueuse Princesse du monde vous aime, ne sçachant pas seulement que vous l’aimez ? Et voulez vous, reprit Artamene, que la plus vertueuse Princesse du monde, souffre que je luy parle d’amour, principalement n’estant qu’Artamene ? Non Seigneur, luy dis-je, mais Artamene est Cyrus : Vous avez raison, me repliqua-t’il, mais ne m’est il pas aussi dangereux de paroistre Cyrus qu’Artamene ? comme Artamene, peut-estre se contenteroit-elle de me chasser avec quelque compassion : mais comme Cyrus, elle pourroit me punir avec haine & avec colere. Je voy bien, luy respondis-je, que vous n’avez pas tort en beaucoup de choses : Mais apres tout, si vous voulez estre aimé, il faut que l’on sçache que vous aimez : autrement, vous n’en viendrez jamais à bout. Quant vous auriez gagné cent Batailles, pousuivis-je, & conquesté des Royaumes & des Empires ; apres tant de victoires & tant de conquestes, vous ne triompheriez point du cœur de Mandane, si Mandane ne sçavoit qu’elle eust triomphé du vostre. L’amour, Seigneur, en cette rencontre, ne peut jamais naistre sans l’amour : La Princesse vous loüera ; la Princesse vous estimera ; mais elle ne vous aimera point. Car enfin toutes les grandes choses que vous avez faites sont à vous : & la seule conqueste de vostre cœur, est ce qui luy peut appartenir, & ce qui luy peut plaire. Si vous voulez que vos Victoires vous servent,