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beaucoup de melancolie) je n’auray pas grand peine à dire de quelle main elle eſt : car un homme qui s’apelloit ainſi, me ſervit au voyage que je fis aux Maſſagettes : en partant de Capadoce, pour aller à Ecbatane, je l’envoyay vers Artaxe, qui ſervoit le Roy de Pont ; ſans que j’aye entendu depuis parler de luy. En diſant cela, Artamene conſidera les carracteres de ce Billet : mais il ne les eut pas pluſtost veus, qu’il changea de couleur : & regardant Aglatidas & Andramias avec une eſmotion extréme, & qu’il ne pût jamais s’empeſcher d’avoir ; il n’en faut point douter, s’eſcria-t’il, la Princeſſe Mandane a eſcrit ce que vous me monſtrez : & j’ay veû trop ſouvent de ſes Lettres entre les mains du Roy pour m’y pouvoir tronper : joint que j’ay eu moy meſme l’honneur de luy en rendre une au conmencement que je fus en Capadoce, où elle parloit aſſez avantageuſement de moy, pour n’en avoir pas perdu le ſouvenir. Mais de grace, dit il à Andramias, ſi vous le pouviez faire ſans vous expoſer, faites que je voye Ortalque : car je vous advouë que la vertu de cette Princeſſe, fait que je m’intereſſe beaucoup en ce qui la touche : & que je ſeray bien aiſe d’aprendre ce qu’il en sçait. Andramias qui ne cherchoit qu’à obliger Artamene, fut luy meſme faire entrer cét homme, ſans que les Cardes en viſſent rien : Mais pendant cela, il fut aiſé à Aglatidas de remarquer, que la joye & l’agitation de l’eſprit d’Artamene, avoient une cauſe plus puiſſante, que la ſimple compaſſion. Il regardoit ce Billet, comme craignant de s’eſtre trompé : il levoit les yeux au Ciel, comme pour luy rendre grace d’un ſi grand bonheur : il marchoit ſans regarder Aglatidas, & ſans luy parler : puis revenant tout d’un coup à luy, & craignant d’en avoir