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la haute Mer : & le Bateau venir droit à l’emboucheure du fleuve. Mais comme il eſt fort rapide en cét endroit, diſoit il, les Rameurs furent tres long temps ſans le pouvoir faire remonter, paſſer de la Mer à la Riviere. Pendant cela, je m’eſtois avancé ſur le rivage : & je pris garde qu’une femme qui eſtoit dans ce Bateau, me regarda attentivement : qu’en ſuitte s’eſtant cachée derriere une autre, elle avoit fait quelque choſe, & je preſupose que c’eſtoit eſcrire ce qui eſt dans ce morceau de Tablettes. Apres quoy une autre de ces femmes s’eſtant tenuë à la Proüe de ce Bateau qui raſoit la terre, & qui vint paſſer à trois pas de moy ; ayant envelopé ce morceau de Tablettes dans un voile qu’elle s’oſta de deſſus la teſte ; elle me le jetta, ſeignant que le vent le luy avoit emporté : car il en faiſoit un fort grand, qui ſouffloit du coſté que j’eſtois. Il me ſembla que je connoiſſois cette perſonne : mais ce ne fut qu’une heure apres, que je me remis que c’eſtoit aſſeurément une Fille qui eſt à la Princeſſe, qui s’apelle Marteſie. Les hommes qui eſtoient dans ce Bateau, eſtoient ſi occupez à commander aux Rameurs de faire effort, pour ſurmonter le courant du fleuve ; qu’à mon advis ils ne prirent point garde à l’action de cette Fille. Pour moy, je relevay en diligence ce que l’on m’avoit jetté : & m’eſloignant un peu du bord, je vy ce que je viens de vous donner : & j’en fus ſi ſurpris que je ne sçavois qu’en penſer. Cependant ce Bateau ayant paſſé l’emboucheure du fleuve, avançoit beaucoup plus viſte, & s’eſloignoit aſſez promptement, ſans que je fuſſe reſolu ſur ce que j’avois à faire : j’euſſe bien voulu ſuivre ce Bateau pluſtost que de m’en venir à Sinope, vers laquel le j’avois sçeu que l’Armée du Roy marchoit :