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vous avons raconté, n’eſt que pour vous donner une legere connoiſſance de ſa vertu : eſtant certain qu’elle eſt beaucoup au deſſus de tout ce que l’on en peut dire, & meſme de tout ce que l’on peut penſer. Feraulas ayant finy ſon recit, laiſſa tous ces illuſtres Auditeurs avec tant d’admiration, de la merveilleuſe vie d’Artamene ; & tant de joye de ne s’eſtre pas trompez, au jugement qu’ils avoient fait de ſon innocence ; qu’ils ne pouvoient s’empeſcher d’en donner des teſmoignages. l’avois bien creû, diſoit le Roy d’Hircanie, qu’Artamene ne pouvoit eſtre criminel : fit je n’avois point douté, adjouſtoit Perſode, qu’il ne fuſt abſolument innocent. Le mal eſt, reprenoit Hidaſpe, qu’on ne peut le juſtifier aupres de Ciaxare, du crime dont il l’accuſe, qu’en j’accuſant d’un autre qui ne l’irritera guere moins : & je doute meſme, interrompit Chriſante, s’il n’aimeroit point encore mieux, qu’il euſt une intelligence ſecrette avec le Roy d’Aſſirie qu’avec la Princeſſe Mandane. Si la Princeſſe eſtoit morte, reſpondit Aduſius, je ne ſerois pas de difficulté de juſtifier Artamene, en deſcouvrant ſon amour : Mais ſi par bonheur elle eſtoit vivante, reprit Feraulas, mon Maiſtre ne pardonneroit jamais à Chriſante & à moy, d’avoir deſcouvert ſa paſſion à Ciaxare. Pour moy, adjouſta Thraſibule, je trouve qu’il eſt à propos d’agir avec beaucoup de prudence en cette rencontre ; & de ne deſcouvrir l’amour d’Artamene, que lors que l’on fera reſolu de deſcouvrir ſa condition. Mais la connoiſſance de ſa condition, repliqua Chriſante, eſt encore une choſe aſſez dangereuſe à donner au Roy : auſſi ne ſuis je pas d’opinion, interrompit