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qu’il y euſt une multitude infinie de Gens dans cette Ville aſſiegée, l’on sçavoit toutefois qu’il y avoit des vivres pour tres longtemps : ainſi il n’y avoit preſque nul eſpoir de la prendre, ny par la force, ny par la faim : ſi ce n’eſtoit dans un terme ſi long, que la penſée en faiſoit frayeur à mon Maiſtre. En ce malheureux eſtat, il s’aviſa d’une choie, qui luy redonna quelque eſpoir : & il ne creut pas que l’Euphrateluy reſistast plus que le fleuve du Ginde. De ſorte qu’il fit faire avec le conſentement du Roy, deux grandes Tranchées qui aboutiſſoient à l’Euphrate : mais auparavant que d’achever d’ouvrir ces Tranchées, & de donner paſtage à l’eau du fleuve ; il fit mettre vingt mille hommes proche de l’endroit par où l’Euphrate entre dans la Ville, ſe mettant luy meſme à leur teſte : & en envoya autant au lieu par où ce fleuve fort de Babilone. Les choſes eſtant en cet eſtat. il donna alors le ſignal d’ouvrir les Tranchées un peu devant la nuit : de ſorte qu’en moins de deux heures, ce fleuve s’eſtant rendu guéable ; il marcha le premier dans l’eau juſques aux genoux, malgré l’incommodité de la ſaison : (car les chevaux ne font pas propres quand on veut ſurprendre une Ville) & animant par ſon exemple tous ceux qui avoient ordre ce le ſuivre ; ils entrerent courageuſement, & avec impetuoſité, dans la ſuperbe Babilone. L’attaque fut faite par les deux bouts de la Ville en un meſme inſtant ; Hidaſpe n’ayant pas eſté moins diligent qu’Artamene : Mon Maiſtre afin de pouvoir agir plus ſeurement, & de pouvoir aller droit au Palais, où il avoit sçeu par des priſonniers que la Princeſſe avoit toujours logé : prit avec luy le Prince Gadate, & un des Officiers de Gobrias, afin de le conduire droit où il vouloit aller. je ne vous repreſenteray