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La Princesse qui vit que le Roy le souhaitoit n’y resista point : & creût en effet qu’elle ne devoit pas empescher que cét acconmodement ne se fist. Pour Artamene, il parut fort agité ; & il n’obeït qu’avec peine. Car enfin dans les soubçons qu’il avoit, ce luy estoit une avanture facheuse que celle de s’accommoder avec Philidaspe ; & celle d’aller chez luy ; & d’y conduire luy mesme la Princesse : neantmoins, ce mal n’ayant point de remede, il salut necessairement s’y resoudre. Le Roy & la Princesse monterent dans leur Chariots, & sortirent de la Ville : car Philidaspe n’y estoit point rentré depuis ses blessures. Et apres avoit fait leur promenade, ils descendirent au lieu où il estoit : & le Roy se mit à parler bas à Mandane au pied de l’escalier, durant un assez long temps. Mon Maistre pendant cela, s’aprocha de Martesie : mais si inquiet, & l’humeur & le visage si changez, qu’il n’estoit pas connoissable.

Martesie qui s’en aperçeut, ne pût s’empescher de luy en faire la guerre, luy disant que sa haine estoit trop violente ; & que s’il sçavoit aussi bien aimer que haïr, son amitié devoit estre la plus belle chose du monde. N’en doutez pas, luy dit-il, Martesie ; & s’il est vray que j’ayme quelque chose, je l’ayme sans doute encore plus fortement, que je ne haï Philidaspe. Vous me donnez une grande curiosité, luy dit-elle tout bas, & je voudrois bien sçavoir si vous aimez, & qui vous aimez. Je ne puis, luy repliqua-t’il en rougissant, satisfaire que la moitié de vostre curiosité ; n’estant pas juste que vous sçachiez, ce que je n’ay jamais dit à personne ; & ce que je ne diray peut-estre jamais. Comme ils en estoient là, la conversation du Roy finit, & mon Maistre fut obligé de donner la