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Car amuſant touſjours les Ennemis par ſa preſence au bord de cette riviere, il fit faire un grand rampart de terre pour cacher ſes Pionniers aux Aſſiriens, afin qu’ils ne viſſent pas ce qu’ils faiſoient : & ayant fait aprofondir cent ſoixante Canaux qui aboutiſſoient à ce Fleuve ; il fit cent ſoixante petits ruiſſeaux, d’une fort grande riviere : qu’il traverſa apres ſans aucune peine, ſuivy de toute ſon Armée. Ce prodige ſurprit d’une telle ſorte les Troupes Aſſiriennes, qui eſtoient de l’autre coſté de l’eau, qu’elles n’y rendirent aucun combat & s’en allerent en deſordre, porter le frayeur dans le Corps de leur Armée : leur ſemblant qu’il n’y avoit que les Dieux, qui puſſent changer le cours des Fleuves : & ne pouvant pas s’imaginer apres cela, qu’il y euſt rien d’impoſſible à Artamene. En effet je ſuis perſuadé, qu’il eſtoit peu de choſes qui puſſent reſister au courage d’un homme comme luy, que l’amour animoit d’une ardeur vrayement héroïque. Comme Artamene fut paffe de l’autre coſté de cette riviere, il en eut une extréme joye : s’imaginant que puis qu’il n’y avoit plus qu’à combatre pour arriver devant Babilone, rien ne l’en pouvoit plus empeſcher. Nous marchaſmes donc droit à l’Ennemy : qui de ſon coſté, s’eſtoit auſſi advancé vers nous avec aſſez de diligence. Nous eſtions pourtant encore à deux journées de luy, lors que nous viſmes arriver un Vieillard de fort bonne mine, ſuivy detrois cens chevaux, qui demanda à parler à Artamene : & qui luy ayant apris en peu de mots, les juſtes ſujets qu’il avoit de ſe plaindre du Roy d’Aſſiné, luy dit qu’il venoit demander protection à Ciaxare, & luy offrir tout ce qui eſtoit en ſa puiſſance. Enfin Gobrias qui eſt preſentement à Sinope, offrit