Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

faits, nous sçeuſmes que le Roy d’Aſſire devoit laiſſer dans peu de jours la Princeſſe à Babilone, ſous la gaide de Mazare : & qu’il ſeroit bien toſt à la teſte de ſon Année, accompagné des Rois d’Hircanie, de Lydie, de Phrigie, & d’Arrabie : mais quelque impatience qu’euſt Artamene, de ſe voir aux mains avec le Roy d’Aſſirie, que nous n’appellerons plus Philidaſpe, il ne pût pas aller ſi viſte qu’il penſoit.

Car il trouva que ceux qui avoient fuy devant luy à diverſes fois, avoient repaſſé la riviere du Ginde : qui deſcendant des Montagnes Mantianes, paſſe au travers des Dardaniens : & ſe va décharger dans le Tigre, pour s’aller rendre avec luy dans le Sein Perſique. Or, Seigneur, cette riviere eſt fort rapide : de ſorte que les Troupes Aſſiriennes ayant rompu le Pont ſur lequel on la pouvoit paſſer ; Artamene arrivant au bord de ce Fleuve, au delà duquel il voyoit des Gens de guerre, fut au deſespoir de voir qu’il eſtoit impoſſible deleguayer. Il ne ſe laiſſa pourtant perſuader cette verité, qu’apres une experience qui luy penſa eſtre funeſte : car emporté par ſon grand cœur & par ſon amour, il pouſſa ſon cheval juſques au milieu du Fleuve : où la rapidité de l’eau le penſa faire perir. Comme il fut revenu au bord, il y eut un de ces chevaux blancs, qui parmy nous ſont conſacrez au Soleil, qui fauta bruſquement de luy meſme dans la riviere pour la paſſer, mais il y fut englouty. Si bien qu’Artamene ne sçachant quelle voye prendre pour paſſer ce Fleuve, s’adviſa d’un moyen veritablement fort extraordinaire, mais auſſi fort infaillible, qui fut de faire des Canaux pour le diviſer. Enfin il propoſa la choſe & l’executa ; & en huit jours il fit faire un travail ſi prodigieux, que tous les Siecles en parleront avec eſtonnement.