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qui ont veû une partie des choſes que j’ay encore à dire ; l’Armée de Ciaxare marcha : Artamene eſtant ſon Lieutenant General, & commandant l’Avant-garde. Comme nous fuſmes preſts d’entrer dans le Païs Ennemy, Artamene vit à ſa droite une grande Aigle, qui volant avec rapidité, ſembla prendre la route de Babilone ; comme ſi elle euſt voulu luy monſtrer le chemin qu’il devoit ſuivre. Le vol de cet Oyſeau fut regardé comme une choſe d’un heureux preſage : & Ciaxare ayant fait faire alte, fit offrir des Sacrifices, non ſeulement aux Dieux des Medes & des Perſans, mais encore à ceux des Aſſiriens, afin de le les rendre tous propices & favorables. Je ne m’arreſteray point à vous dire, quelle fut la marche de noſtre Armée : ny comment Artamene par ſa prudence & par ſa conduite, fit que tout ce grand Corps ne ſouffrit point durant ce voyage. je vous diray donc ſeulement, que mon Maiſtre qui mouroit d’impatience de faire quelques priſonniers, pour pouvoir aprendre par eux des nouvelles de Mandane ; voyant que dés que les Coureurs des Ennemis paroiſſoient, & qu’il vouloit aller à eux, ils laſchoient le pied, & ne vouloient point combatte ; s’adviſa d’une ruſe qui luy reüſſit. Ce fut de faire faire le ſoir grand nombre de feux, aſſez loing derriere l’endroit où noſtre Armé eſtoit campée, & de n’en faire point au lieu où elle eſtoit : de ſorte que les Coureurs des Ennemis venant la nuit pour le reconnoiſtre, ou pour taſcher de ſurprendre quelques uns des noſtres ; ſe trouverent eux meſmes eſtrangement ſurpris, lors que venant à rencontrer nos Troupes, ils trouverent ſi prés, ceux qu’ils croyoient beaucoup plus loing. Quelques priſonniers ayant donc eſté