Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

la crainte qu’il ne ſe privaſt luy meſme de pouvoir delivrer la Princeſſe, l’en empeſchoit abſolument. Car, diſoit il, ſi par hazard il n’a point changé de ſentimens, qui sçait s’il ne me banniroit point d’aupres de luy ? & ſi je ne ſerois pas contraint de me donner la mort, pour me delivrer du déplaiſir de n’avoir pû ſervir ma Princeſſe ? Qui sçait s’il ne me ſeroit point mettre aux fers ? & ſi ce bras qui doit agir pour la liberté de Mandane, ne ſeroit point chargé de chaines ? Cependant il falut que Ciaxare le diſposast à aller prendre poſſession du Throſne de Medie, & à s’en aller à Ecbatane : il fit pourtant preceder ſon arrivée par le commandement d’y lever des Troupes, afin de n’y faire pas long ſejour. Les Capadociens furent alors bien affligez, de ſe voir en un meſme temps farts Roy & ſans Reine : principalement sçachant que leur Princeſſe eſtoit entre les mains du Prince d’Aſſirie : prevoyant bien que s’ils retournoient ſous la domination des Aſſiriens, leur Royaume ne ſeroit plus qu’une Province. Cette crainte n’eſtoit pourtant pas univerſelle : & il y avoit encore pluſieurs perſonnes qui conſervoient une affection ſecrette pour la Nation Aſſirienne. Aribée, à ce que l’on croit, avoit touſjours eu cette inclination, meſme dans le temps qu’il eſtoit le plus aimé de Ciaxare : auſſi y en a t il qui diſent, que ſa Maiſon eſt originaire d’Aſſirie. Quoy qu’il en ſoit, quand le Roy fut preſt à partir, ne ſoubçonnant encore Aribée d’aucune trahiſon, il luy envoya commander de ſe rendre aupres de luy, le voulant declarer Regent du Royaume : mais n’oſant ſe confier, & craignant que cét honneur apparent, ne fuſt un artifice pour s’aſſurer de luy ; il manda à Ciaxare qu’il eſtoit malade ; & que s’il vouloit luy faire la grace