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Cependant Aribée, qui comme vous sçaurez par la ſuitte de mon diſcours, n’eſtoit pas innocent de l’enlevement de la Princeſſe, aprehendant que mon Maiſtre n’euſt peut-eſtre trouvé Philidaſpe, ou du moins quelqu’un des Gardes que l’on croit qu’il avoit ſubornez ; pretexta un voyage qu’il voulut venir faire icy, & à Pterie, dont il eſtoit Gouverneur ; ſur ce que quelques Grecs anciens habitans de Sinope avoient entrepris quelque choſe contre le ſervice du Roy. Car Seigneur, je penſe que vous sçavez bien que cette Ville a eſté baſtie par les Mileſiens : & que cette Colonie Greque a changé de Maiſtre plus d’une fois. En effet il ſeroit difficile de bien définir, ce qu’eſt véritablement Sinope : tant elle eſt remplie d’habitans de Nations differentes : ayant tantoſt eſté poſſedée par les Grecs, tantoſt par les Galatiens ; autrefois encore par les Paphlagoniens ; & aujourd’huy par le Roy de Capadoce. Aribée ſe ſervit donc d’un faux bruit de ſedition, pour partir de Themiſcire auparavant qu’Artamene y fuſt revenu : & s’en vint à Sinope, comme je l’ay deſja dit. De ſorte que mon Maiſtre ne le tremuant plus aupres du Roy, ſe trouva en paiſible poſſession de l’eſprit de ce Prince. Mais dans la certitude du lieu où eſtoit la Princeſſe, il n’y avoit plus à balancer, & il falut ſonger à la guerre. Ciaxare envoya pourtant vers la Reine Nitocris, pour luy demander ſi elle aprouvoit l’action du Prince ſon fils, & pour luy redemander la Princeſſe ſa fille. Il envoya auſſi vers Aſtiage, pour luy aprendre ſon malheur, & pour en avoir du ſecours : pendant quoy, il fit lever autant de gens de guerre que ſes deux Royaumes en pouvoient fournir.