Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais il voulut attendre que les ſoubçons qu’il avoit, fuſſent fondez ſur quelque que aparence plus ſensible & plus convainquante. Il je ſe para donc du Roy : & ſans pouvoir fermer les yeux de toute la nuit, il attendit la premiere pointe du jour avec une impatience extréme.

Cependant, Seigneur, ſans m’arreſter à vous deſpaindre toutes les agitations d’eſprit qu’il eut, & toutes les peines que ce petit Voyage nous donna, je vous diray ſeulement, qu’en quinze jours que nous employaſmes à chercher des nouvelles de la Princeſſe, nous n’en sçeuſmes rien qui peuſt donner nulle eſperance à mon Maiſtre : & qu’au contraire, nous fuſmes advertis qu’apres avoir pris, à diverſes fois de fauſſes routes, afin d’abuſer ceux qui l’euſſent pû ſuivre ; Philidaſpe eſtoit arrivé avec la Princeſſe, dans une Ville de ſon Royaume, qui eſt vers la frontiere de Medie : & qu’en ce lieu là, à moins que d’avoir une Armée tres conſiderable, il n’y avoit point d’apparence de la pouvoir delivrer. Nous sçeuſmes auſſi avec certitude, que Philidaſpe eſtoit effectivement Fils de la Reine Nitocris : & nous retournaſmes à Themiſcir, ſans avoir fait autre choſe, que sçavoir que Mandane eſtoit entre les mains d’un Prince qui pouvoit, ſi la Reyne ſa mere y vouloir conſentir, mettre une Armée de deux cens mille hommes en campagne. Cette penſée qui auroit affligé tout autre qu’Artamene, luy eſlevoit le cœur, au lieu de le deſesperer : & la condition de ſon Rival, le conſoloit en quelque façon de ſa diſgrace. Tous ceux qui auparavant nous eſtoient allez apres le Raviſſeur de Mandane, revinrent alors ayant cherché inutilement : & nous sçeuſmes ſeulement par eux, que ce Chevalier bleſſé que nous avions laiſſé en chemin, gueriroit de ſes bleſſures.