car je ne doute point, luy dit il, que vous ne vous intereſſiez infiniment en la perte que j’ay faite. N’en doutez nullement, Seigneur, repliqua mon Maiſtre, j’y prens part de telle ſorte, que je vous promets de delivrer la Princeſſe, ou de mourir de la main de ſon Raviſſeur. Le Roy apres cela entra dans ſon Cabinet, où il fit apeller Artamene : afin de luy demander s’il eſtoit vray qu’il fuſt revenu ſans train & ſans equipage, comme on le luy avoit aſſuré. Artamene luy dit alors, ce que je vous ay deſja dit : mais comme ce Prince avoit l’ame accablée de douleur, pour la perte de la Princeſſe ; il ne ſentit preſque point le mauvais ſuccés du voyage de mon Maiſtre. Joint qu’ayant tant de beſoin de ſa valeur, en cette fâcheuſe conjoncture, il ne s’amuſa pas à chercher exactement, ſi ce qu’il luy diſoit paroiſſoit entierement vray-ſemblable. Artamene preſſa encore Ciaxare de luy permettre d’aller apres Philidaſpe, quoy qu’il y euſt peu d’aparence de le trouver : neantmoins comme il euſt pû arriver que la Princeſſe ſe ſeroit trouvée mal, & qu’ainſi il n’auroit pû avancer chemin, Ciaxare accorda à Artamene ce qu’il ſouhaitoit : & donna ordre qu’il y euſt le lendemain au matin trois cens chevaux preſts pour le ſuivre. Mon Maiſtre demanda fort à Ciaxare, s’il n’avoit rien deſcouvert de cette entrepriſe : & s’il ne pouvoit point ſoubçonner qui avoit aſſisté Philidaſpe. Mais le Roy luy dit qu’Aribée avoit fait toutes choſes poſſibles, pour en pouvoir tirer quelques conjectures : que neantmoins juſques à l’heure qu’il parlait, il n’en avoit encore rien sçeu.. Mon Maiſtre euſt bien eu envie de dire au Roy, qu’Aribée n’eſtoit pas propre à faire cette perquiſition, à cauſe de l’eſtroite amitié qu’il avoit touſjours eue avec Philidaſpe :
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