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afin d’expoſer ma vie pour voſtre liberté, vous me le pardonnerez ſans doute, & ne m’en blaſmerez point. Mais helas ! qui sçait ſi jamais vous entendrez parler d’Artamene, & ſi Artamene entendra jamais parler de l’adorable Mandane ? Du moins sçay-je bien, reprenoit-il, que je verray Philidaſpe, tout Roy d’Aſſirie qu’il doit eſtre : & que je ne ſeray pas long temps ſans troubler ſa felicité.

Comme Artamene en eſtoit là, Chriſante revint, qui l’aſſura qu’il pourroit voir le Roy : mais en meſme temps ſon retour ayant eſté sçeu, plus de la moitié de la Cour fut chez luy, & l’accompagna chez Ciaxare : ce qui ne luy pleut pas beaucoup, ne craignant rien davantage, que d’avoir tant de teſmoins de ſa douleur. La veüe du Chaſteau où il avoit veû ſa Princeſſe la derniere fois, redoubla encore ſon deſplaisir : & la preſence du Roy, penſa exciter un trouble ſi grand dans ſon ame ; & faire eſclatter ſa douleur ſi hautement : qu’il s’en falut peu, qu’à la veüe de toute cette grande Aſſemblée, il ne paruſt plus affligé que Ciaxare, quoy que Ciaxare le fuſt beaucoup. Ce Prince ne vit pas pluſtost mon Maiſtre, que ſans ſe ſouvenir plus du ſujet de ſon voyage, il donna ſes premieres penſées, à la perte qu’il avoit faite. Et bien Artamene, luy dit il, Philidaſpe n’a point eſté deſcouvert en ſa ſeconde entrepriſe, comme il le fut en la premiere : & les Dieux ont enfin ſouffert qu’il ait enlevé ma Fille. Je ſouhaite, Seigneur, repliqua mon Maiſtre en ſoupirant, que par ma valeur, ou par ma bonne fortune, je puiſſe vous la redonner bien toſt : & que l’injuſte Philidaſpe ne jouiſſe pas long temps d’un threſor que j’ay pû luy oſter, avec aſſez de facilité. Le Roy ne comprenant pas bien ce que mon Maiſtre luy diſoit, luy en demanda l’explication : & Artamene qui ne pouvoit