Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/27

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’icy ? luy demanda la Princesse ; non Madame, respondit Artamene ; & nostre connoissance & nostre aversion, ont commencé en cette Cour, & presque en mesme moment. Mais apres tout, Madame, poursuivit-il, ce n’est point à moy à m’informer par quels sentimens vous voulez que j’ayme Philidaspe : & c’est seulement à Artamene à vous demander pardon, de n’avoir pû vous obeïr. Comme je ne fais gueres de prieres injustes, repliqua-t’elle, je n’ay gueres accoustumé d’estre refusée : & je ne pensois pas qu’Artamene & Philidaspe deussent estre les premiers à me desobliger. Mon Maistre qui vit que la Princesse paroissoit avoir de la colere, en fut tres sensiblement touché : Ha ! Madame, luy dit-il, si j’eusse creû ne pouvoir me vanger sans vous irriter, je ne l’aurois sans doute pas fait : Mais est-il possible que l’on ne puisse obtenir pardon d’un crime qui n’a pas esté volontaire ? & la Princesse Mandane est-elle plus inexorable que les Dieux, qui se laissent fléchir par des larmes & par des prieres ? La Princesse qui estimoit veritablement Artamene, & qui avoit desja quelque disposition à l’aimer ; voyant qu’il paroissoit assez troublé, eut peur qu’il ne se tinst offencé de ce qu’elle estoit plus severe que Ciaxare : de sorte que faisant effort sur elle mesme, elle le voulut appaiser, & luy pardonner de bonne grace. Allez, luy dit-elle, Artamene, allez ; vous avez esté assez puny, par la seule inquietude que je voy dans vostre esprit : & je ne veux point vous ordonner d’autre chastiment, que celuy de ne vous exposer plus en un pareil danger. Ha ! Madame, luy dit-il, vous estes bien bonne de me pardonner ! & bien rigoureuse de vouloir tousjours conserver celuy qui s’oppose à tout ce que je veux. Je vous