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abord opiniaſtrément : mais enfin il falut ceder. Il y a meſme une de ſes Femmes qui raporte, qu’ayant reconnu Philidaſpe au ton de ſa voix (car on dit qu’il s’eſt changé le taint pour ſe déguiſer) elle luy cria, Ha Philidaſpe, ſi Artamene euſt eſté icy, tu n’aurois pas oſé entreprendre une ſeconde fois ce que tu entreprens. Mais enfin Seigneur, Philidaſpe l’enleva, toutes ſes Femmes criant deſesperément : Ce fut toutefois en vain : car ceux des Gardes qui n’eſtoient pas de l’intelligence voulant entrer, trouverent que ceux qui avoient trahi avoient fermé les portes par derriere : & la confuſion eſtoit ſi grande, que ces femmes de la Princeſſe Mandane crioient toutes du coſté que l’on avoit enlevé leur Maiſtresse, & n’alloient point ouvrir à ceux qui ne purent entrer qu’en rompant les portes, ce qui demanda aſſez de temps. J’oubliois de vous dire que ces Raviſſeurs prirent auſſi cette Fille que l’on croit eſtre de l’intelligence : Mais pour Marteſie, ils ne la vouloient pas emmener : neantmoins comme cette genereuſe Fille ne vouloit pas abandonner ſa Maiſtresse, elle s’attacha ſi fortement à ſa robe, qu’ils furent concraints de la prendre auſſi. Joint qu’ils entendirent ſans doute que la Princeſſe luy crioit, Ha Marteſie, ne m’abandonnez pas. Enfin Seigneur, ce Bateau ayant pris le courant du fleuve, & ramant avec beaucoup de force & de diligence, fut bien toſt à une ſtade d’icy, de l’autre coſté de l’eau : où il y avoit autant de chevaux qui les attendoient, qu’ils eſtoient de gens : de ſorte qu’il ne fut pas poſſible d’y remedier. Car auparavant que l’on euſt apris ce que c’eſtoit ; que le Gouverneur de Themiſcire en fuſt adverty ; & que l’on sçeuſt ſeulement ce que l’on vouloit faire ; ils eſtoient deſja ſi loin, que la choſe n’avoit preſque