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ce que nous voulions sçavoir. Nous marchaſmes donc tout ce jour là, & tout le lendemain juſques à ſix heures du ſoir, ſans qu’Artamene prononçaſt ſeulement une parole, tant il eſtoit poſſedé par une profonde reſverie. Mais eſtant arrivez au bord du Thermodon, & à la veüe de Themiſcire, où le Roy luy avoit dit qu’il attendroit ſon retour, la joye ſe renouvella dans ſon cœur : & ſe retournant vers moy, qui eſtois le plus pres de luy, avec un viſage aſſez guay, Enfin, me dit il, Feraulas, je voy le lieu ou eſt ma Princeſſe : & par conſequent je puis eſperer de la revoir bien toſt. Mais Dieux ! la retrouveray-je telle que je la quittay ? Et pourray-je bien obtenir de la ſeverité de ſa Vertu, le plaiſir de luy entendre dire qu’elle s’eſt ſouvenüe de moy pendant mon abſence ? Seigneur, luy dis-je, quand la Princeſſe ne vous le dira point, ne laiſſez pas de le croire : car je ſuis bien aſſuré qu’il eſt impoſſible que la choſe ne ſoit pas ainſi. En effet, je pouvois bien luy parler de cette ſorte : car quelques jours auparavant que de partir de Themiſcire, Marteſie avoit eu la bonté de me confier tous les ſentimens avantageux que Mandane avoit pour mon Maiſtre : mais ç’avoit eſté avec des deffences ſi expreſſes d’en parler à Artamene ; que la Maiſtresse l’emportant ſur le Maiſtre en cette occaſion, je n’avois oſé le faire : m’eſtant contenté de luy donner beaucoup d’eſperance d’eſtre aimé, ſans luy particulariſer rien. Joint qu’à vous dire le vray, je le voyois ſi affligé de l’abſence de ſa Princeſſe ; que je ne doutois nullement que s’il euſt sçeu toutes les petites choſes que je vous ay racontées, il n’en fuſt mort de douleur, ou de plaiſir.

Mais enfin Seigneur, apres pluſieurs ſemblables diſcours que mon Maiſtre me tint en aprochant de Themiſcire ; & qui