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route que ces Dames Se ceux qui les conduiſoient avoient priſe.

Ortalque s’eſtant alors aproché de mon Maiſtre, ne manqua pas de luy redire ce que cét Inconnu luy mandoit : ce procedé, comme vous pouvez penſer, ſurprit infiniment Anamene : ne pouvant imaginer pourquoy cét Inconnu ne luy avoit pas auſſi toſt fait ce compliment qu’a un des ſiens ; puis que quelque preſſé qu’il peuſt eſtre, il n’euſt gueres tardé davantage à luy parler, qu’à parler a un de ſes Gens. Il luy ſembloit bien avoir entendu en combatant, un ſon de voix qui ne luy eſtoit pas tout à fait inconnu : mais il ne pût toutefois ſe le remettre. Si bien que pouſſé d’une forte curioſité de sçavoir quelle eſtoit cette avanture ; il ſe mit à regarder parmy ces morts, s’il n’y avoit point quelqu’un de ces hommes qui ne le fuſt pas. Del’qu’en les conſiderant, il s’en trouva un qu’un grand coup qu’il avoit reçeu à la main droite avoit mis hors de combat ; & qu’un autre qu’il avoit reçeu à la gorge empeſchoit de parier, & de ſe pouvoit faire entendre que par des lignes. Ce Chevalier n’eut pas plus toſt veû mon Maiſtre, qu’à ce que nous puſmes juger par ſon action, il le reconnut, quoy que perſonne de nous ne le connuſt : & à dire la verité, cela n’eſtoit pas fort eſtrange : eſtant aſſez ordinaire que les Generaux d’Armée ſoient connus d’un nombre infiny de perſonnes, qu’ils ne connoiſſent point du tout, Ce bleſſé ne vit donc pas pluſtost mon Maiſtre aupres de luy, qu’il teſmoigna une extréme joye, & un merveilleux empreſſement de luy faire entendre ce qui c’eſtoit paſſé : mais plus il faiſoit d’effort pour s’expliquer, plus il embaſſarroit Artamene : car comme il ne pouvoit prononcer une ſeule parole, ny articuler ſeulement une ſilabe : il n’y avoit