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mis l’espée à la main, & nous avoit commandé de faire la mesme chose. De sorte que s’avançant entre ces Chevaliers, & celuy qu’ils vouloient perdre ; il luy avoit donné le temps de dire à son Escuyer, ce que je vous ay desja dit. Artamene ne l’entendit pas, mais je l’entendis fort distinctement, sans y faire nulle reflexion, l’estat où nous estions n’y estant pas propre. Cependant cét ordre donné, ce Chevalier inconnu vint pour dégager mon Maistre d’entre ses Ennemis : mais il trouva qu’il s’estoit desja bien dégagé luy mesme : en ayant tué trois de sa main ; & nous autres ayant aussi secondé sa valeur le mieux qu’il nous avoit esté possible. De sorte que cet Inconnu s’estant joint à nous, il nous fut aisé de vaincre ceux qui restoient ; estant certain, que c’estoit un des vaillans hommes du monde. Il combatit donc comme un homme qui vouloit tesmoigner à son Liberateur, qu’il n’estoit pas indigne de la protection qu’il luy avoit donnée : Mais comme le dernier de ses ennemis fut tombé mort de la main d’Artamene ; & qu’il voulut s’avancer vers luy pour luy rendre grace : Le jour s’estant desja fait grand, il le reconnut (à ce que nous avons pû juger depuis) de sorte que changeant tout à coup de dessein, il se recula de quelques pas : & fut vers Ortalque qui regardoit de tous les costez s’il n’y avoit plus d’Ennemis à combatte. S’estant donc promptement aproché de luy, dites il vostre Maistre, luy dit il avec precipitation, que je suis bien fâché d’estre si incivil, & de paroistre si ingrat : mais comme l’y suis contraint par la force de ma destinée, j’espere qu’il m’en excusera. Apres avoir dit ce peu de mots fort à la haste, il piqua au travers des Arbres, s’esloigna d’Ortalque en peu de temps ; & fut prendre la mesme