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plus de liberté : un jour donc que nous n’estions plus qu’à cinq cens stades de Themiscire : & que pour faire une journée extrémement grande, nous estions partis devant le jour : Apres avoir marché plus d’une heure, nous arrivasmes dans une espaisse Forest, comme la premiere clarté commençoit de blanchir les nuës, du costé du Soleil Louant. Il y avoit un des Gens de mon Maistre nommé Ortalque, monté sur un cheval blanc, qu’à cause de l’obscurité nous avions fait marcher le premier : de sorte qu’Artamene alloit apres, & Chrisante & moy avec un autre suivions Artamene. Marchant donc en cét ordre, & cette lumiere naissante commençant de percer l’obscurité de la Forest, & de permettre de discerner les objets qui n’estoient pas trop estoignez ; mon Maistre vit assez avant sur la main droite, un grand & riche Pavillon tendu sous des Arbres : à l’entour duquel plusieurs Soldats estoient en garde : & sembloient en vouloir deffendre l’entrée, à ceux qui eussent eu dessein d’y aller. Cette veuë assez extraordinaire, dôna bien quelque legere curiosité à Artamene : mais il avoit l’esprit si remply de l’image de sa Princesse, que ce premier mouvement ne fut pas assez long, pour luy donner seulement la curiosité de demander ce que c’estoit. Comme il fut un peu esloigné, il ne pût toutefois s’empescher de tourner la teste de ce costé là : & alors à travers les branches & les troncs des Arbres, il vit une femme qui levant le coing de la Tente, sembloit regarder s’il estoit jour. A dix ou douze pas plus avant, celuy des siens que je vous ay dit qui marchoit le premier, & qui se nonmoit Ortalque ; se trouvant à plus de vingt pas d’Artamene, vit un homme armé, qui