dit il, vous causez un trouble si grand en mon ame, que personne n’en sentira jamais un pareil. Car enfin, pour vous descouvrir le fonds de mon cœur, je serois moins affligé que je ne suis, si Thomiris aimoit quelqu’un qui l’aimast : Mais que cette Princesse si belle ; si aimable ; de qui l’ame a tousjours paru si grande ; & qui a tesmoigné une fermeté invincible, à resister à l’amour d’Aripithe & à la mienne : se trouve capable d’aimer un homme qui ne l’aime point ; je vous advoüe que c’est ce que je ne puis souffrir, sans une douleur extraordinaire. Je serois plus jaloux, adjoustoit il, si vous l’aimiez : mais je ne serois pas si affligé. Et en l’estat où je me trouve, pardonnez moy, luy disoit il, si vostre rare merite ne peut justifier Thomiris dans mon esprit : Non, luy disoit il encore, genereux Artamene, je ne la veux plus aimer. Il faut que je m’arrache cette passion de l’ame ou que je meure : & pour faciliter vostre départ, il faut que je premedite le mien. Il faut, dit il, que je die à la Reine que j’ay reçeu ordre du Roy des Tauroscithes mon Pere, de m’en retourner aupres de luy : & que je la supplie de me le permettre. Comme je ne suis pas Artamene, adjousta-t’il en soupirant, elle me le permettra : & pour faire reüssir nostre dessein, vous feindrez de vous trouver mal ; vous viendrez apres la nuit dans ma Tente ; je vous emmeneray avecque moy, suivy de quelques uns des vostres, vous faisant passer parmy mon train, & partant si matin que les Gardes du Camp ne vous puissent reconnoistre : & vous ordonnerez à ceux de vos gens qui demeureront, de dire que l’on n’ose entrer dans vostre Chambre qu’il ne soit fort tard : afin de nous donner le loisir
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