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le retour de Spargapise. Artamene se voyant donc refusé, & prisonnier s’il faut ainsi dire, estoit en une melancolie estrangge : ce n’est pas que Gelonide ne fist tout ce qu’elle pouvoit, pour luy donner les voyes de s’échaper ; mais il n’y avoit pas moyen d’en venir à bout : ce qui mettoit mon Maistre dans une inquietude si grande, qu’il n’y eut jamais rien de semblable. Car s’il luy eust esté permis de mettre l’espée à la main ; de forcer les Gardes ; & de vaincre tout ce qui se seroit opposé à son passage ; je pense qu’il auroit pû esperer de le sauver : tant il est vray que je luy ay veû faire des choses merveilleuses & incroyables : mais quand il venoit à penser, qu’apres tout, la Reine n’estoit injuste & violente, que parce qu’elle l’aimoit : il n’avoit pas la force de se resoudre à la deshonnorer, comme il eust fait par cette action : ny de tuer les Sujets d’une Princesse, qui n’estoit coupable que pour l’amour de luy. La tristesse s’empara donc si fort de son ame, qu’Indathirse guery de sa blessure, l’estant venu voir s’en aperçeut : & le pressa de telle sorte, de luy advoüer que Thomiris l’aimoit, & que cette amour causoit sa douleur ; qu’en fin il luy dit qu’il estoit vray que la Reine luy avoit fait dire des choses, qu’il ne pouvoit presque expliquer dautre façon : & que s’il vouloit l’obliger sensiblement, il tascheroit de luy donner les voyes de se sauver. Vous voyez bien, luy dit il, genereux Indathirse, que je ne suis pas vostre Rival : puis que je vous demande pour gracc, de me vouloir donner les moyens de m’esloigner de Thomiris. je voy bien, luy respondit ce Prince, qu’en effet vous n’estes pas coupable, & qu’au contraire, je vous ay beaucoup d’obligation : Mais apres tout, luy