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aller peu accompagné. Il nous laissoit mesme quelquefois sous des Arbres ; & nous commandant de l’y attendre, il se promenoit seul, & s’esloignoit souvent de telle sorte, que nous ne le voiyons plus. Deux jours apres que Gelonide luy eut parlé, Indathirse & Aripithe qui avoient bien pris garde qu’il y avoit un grand secret entre Chrisante & Gelonide, & qui s’imaginoient les choses bien differentes de ce qu’elles estoient ; furent estranggement tourmentez de la jalousie qui les possedoit : & prirent enfin une forte resolution de s’esclaircir de leurs doutes, & de se vanger d’Artamene, à perte de toute consideration. Mais la difficulté fut de tomber d’accord entre eux qui feroit la chose : car, disoit Aripithe à Indathirse, si c’est vous qui parliez à Artamene, & qu’il ne vous satisface pas ; ce sera vous aussi qui en tirerez raison : & qui peut-estre voudrez pretendre un nouveau droit à Thomiris par ce combat Nullement, luy respondoit Indathirse, & je vous promets de ne pretendre jamais rien à Thomiris, que de son consentement : de sorte qu’il vous est aisé de juger, que si j’avois eu un démeslé avec Artamene, ce ne seroit pas un moyen de me mettre bien avec elle si elle l’aime : & ainsi vous serez pas en seureté de sa haine que moy. Aussi, luy disoit il encore, ne sçay-je pas trop bien ce que je veux, en voulant demander à Artamene, la verité de ses sentimens pour Thomiris. Tant y a, Seigneur, que ne pouvant s’accorder à qui combatroit mon Maistre ; ils penserent se battre entre eux : car vous jugez bien que cette union que la seule jalousie avoit faite, n’estoit pas indissoluble. Ils se separerent donc assez mal satisfaits l’un de l’autre : & Indathirse ayant veû Artamene sortir à cheval des Tentes, pour s’aller promener, suivy seulement