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adroit que vous l’estes, vous aurez bien sçeu trouver les voyes de luy faire connoistre les sentimens avantageux que vous avez d’elle. Il est des personnes, repliqua Artamene, qu’il ne faut jamais loüer en leur presence : & ce n’est quelquefois guere moins manquer de respect pour une Grande Reine, de la loüer avec trop de liberté, que de dire des injures à une personne de mediocre condition. Mais pour ce qui regarde Thomiris, je pense, leur dit il encore, qu’il n’est pas besoin de luy dire, qu’elle est infiniment estimable, & par consequent infiniment estimée : n’estant pas possible qu’elle ignore les excellentes qualitez qu’elle possede. Vous pouvez vous imaginer Seigneur, combien ces deux Rivaux estoient inquietez, d’entendre parler mon Maistre de cette sorte : ils se regardoient quelquefois d’intelligence : & quelquefois aussi ils regardoient Artamene : & vouloient chercher dans ses yeux, ce qu’ils ne voyoient pas assez clairement dans ses paroles. Pour luy, il avoit l’esprit si occupé de sa passion, & de la fâcheuse avanture où il se trouvoit engagé, qu’il ne prenoit pas garde aux discours, ny aux actions de ces deux Princes : & nous avons sçeu ce que je viens dé vous dire, par un des gens de mon Maistre qui l’avoit suivy, & qui le raconta depuis à Chrisante. Mais enfin Seigneur, Artamene qui avoit quelque impatience d’estre seul, afin de pouvoir entretenir ses pensées en liberté ; fit si bien que la promenade finit : & qu’il se separa de ces deux Princes, qui le quitterent avec encore un peu plus de froideur qu’ils n’en avoient eu en commençant leur conversation. Nous avons sçeu depuis, qu’apres que mon Maistre s’en fut separé, ils raisonnerent