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qui luy donna un sentiment bien opposé à la joye. La Reine, luy repliqua-t’il, est une Princesse si illustre, que quand il ne s’agiroit pas d’une affaire importante, le Roy que le sers auroit deû ne luy envoyer qu’une personne de grande consideration : & s’il a manqué en quelque chose, c’est de n’en avoir pas choisi une plus digne que moy, de traitter avec une si Grande Princesse. je pense, respondit Aripithe, qu’il eust eu peine à en trouver une qui luy eust esté plus agreable : mais ce qui m’estonne un peu, adjousta-t’il, c’est de voir que la Reine vous traitant aussi bien qu’elle vous traitre, ne vous dépesche pas plustost. Les affaires, repliqua mon Maistre, ne se font jamais guere avec diligence, si ce ne sont celles qui regardent les guerres declarées : Celles que vous traittez, respondit Indathirse, ne sont pas à mon advis de cette nature : & elles pourroient plus facilement estre d’amour : puis qu’enfin le Roy que vous servez n’estant point marié ; ayant une Fille qui ne l’est pas, & la Reine aussi estant Veufue : & le Roy son Fils estant desja assez grand ; il ne seroit pas impossible que l’amour fust le sujet de cette negociacion si secrette. Non, reprit Aripithe en l’interrompant, ce n’est rien de ce que vous dittes : les Mariages des Rois ne sont point des amours cachées : & je soubçonnerois plustost toute autre chose que celle là. Vous jugez bien (leur dit alors Artamene en sous-riant à demy) que si j’ay quelques ordres secrets, je ne vous les dois pas dire, ny vous faire voir mes instructions ; ainsi il faut vous laisser dans la liberté de penser ce qu’il vous plaira : & de vous divertir en raisonnant sur une chose douteuse, & que vous ne sçaurez peut-estre jamais. je ne pense