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effet, & que cette response déterminée luy ostoit tout pretexte de le pouvoir retenir ; elle se repentit de ce qu’elle venoit de dire : quoy qu’elle ne sçeust pas trop bien comment elle y remedieroit. Il s’en falut peu qu’elle ne se resolust de descouvrir plus ouvertement sa passion à mon Maistre ; & l’amour & la modestie luy ouvrirent & luy fermerent la bouche plus d’une fois. Elle vouloit parler ; & vouloit se taire ; elle changeoit de couleur tres souvent ; elle regardoit Artamene, puis un moment apres, elle esvitoit ses regards : & par une agitation si violente, & une irresolution si estrangge, elle causoit une peine extréme à mon Maistre : qui estoit desesperé de la fâcheuse avanture où la Fortune l’exposoit. Mais enfin Thomiris ne pouvant obtenir d’elle, la force de parler plus ouvertement de sa passion à Artamene : & ne voulant pas aussi qu’il songeast à partir ; chercha à destourner la chose adroitement : si bien que reprenant la parole, Ce n’est pas icy Artamene, luy dit elle, que vous devez recevoir vostre response : comme vous m’avez fait parler par Terez, c’est à Terez aussi à vous la rendre. Cependant ne determinons encore rien : il ne faut qu’un moment, pour faire changer les resolutions les plus fermes : Peut-estre ne voudrez vous plus demain, ce que vous voulez aujourd’huy : & peut-estre aussi ne voudray-je plus moy mesme, ce que je souhaite presentement : quoy que je sois persuadée, adjousta-t’elle, que ce que je desire est esgalement innocent & glorieux.

Côme ils en estoient là, Indathirse & Aripithe qui depuis leur jalousie pour Mon Maistre, estoient devenus inseparables, arriverent, & interrompirent cette conversation. Ces deux Princes remarquerent aisément une