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femme ait de l’amour, pourveu qu’elle ne le tesmoigne pas : au lieu qu’entre nous autres, nous taschons d’arracher de nostre cœur les sentimens les plus tendres, si nous ne les trouvons pas justes. Ainsi je puis vous assurer, que si je croyois faire un crime, en aimant un homme illustre comme Artamene, je combatrois ma passion au lieu de la cacher : Mais comme au contraire, je croy qu’il n’y a rien de bas, ny rien de lasche, à avoir de l’affection pour un homme, que je tiens digne de commander à tous les autres ; je ne voy pas qu’il faille en faire un mistere aussi grand que vous vous l’imaginez : puis qu’enfin il n’y a que les crimes que l’on doive cacher. Mais Madame, repliqua Gelonide, si Artamene ne respond pas favorablement comme je le croy, ne vous repentirez vous point d’avoir parlé ? je ne sçay point l’avenir, respondit brusquement Thomiris : mais je sçay bien que presentement je veux sçavoir ce que pense veritablement Artamene. Bons Dieux Madame, adjousta encore Gelonide, ne craignez vous point de destruire, ce que vous voulez avancer ? Je crains toutes choses, respondit Thomiris, mais que voulez vous que je face ? je ne suis plus Maistresse de ma volonté, & je n’agis plus que comme il plaist à la passion qui me possede : parce que je la croy juste, & que je luy ay abandonné l’Empire de mon ame & de ma raison. Thomiris dit encore beaucoup d’autres choses, qui faisoient voir le déreglement de son esprit : elle ne pouvoit plus souffrir la veüe ny la conversation d’Indathirse ny d’Aripithe : elle ne songeoit à rien qu’à Artamene : & parce qu’en effet c’estoit la vertu de mon Maistre qui avoit puissamment touché son cœur ; elle croyoit que tous les effets d’une Cause si