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capable de vouloir pour Artamene, ce qu’il demandoit pour Ciaxare. Gelonide fit alors ses derniers efforts pour guerir l’esprit de Thomiris, & pour l’obliger de preferer le Roy à l’Ambassadeur : mais elle luy respondit, qu’elle preferoit la vertu d’Artamene à toutes les Couronnes du Monde. Cependant Gelonide, luy dit elle, agissez pourtant de telle sorte, qu’Artamene sçache que je l’aime, sans qu’il m’en estime moins : & faites si bien que sans choquer directement la passion que j’ay pour la gloire, celle que j’ay pour Artamene ne laisse pas d’estre satisfaite. Gelonide qui estoit infiniment fâchée d’avoir une pareille commission, ne laissa pas d’assurer la Reine que puis que rien ne pouvoit changer ses sentimens, elle luy obeiroit avec fidelité : & elle luy promit cela d’autant plus fortement, qu’elle eut peur que Thomiris ne confiast ce secret à une autre, qui n’en useroit pas si bien qu’elle. L’esperance que Gelonide eust euë de retourner en son Pars, si la Reine eust espousé Ciaxare, faisoit qu’elle estoit doublement affligée de la passion de Thomiris pour Artamene. De plus, elle n’imaginoit nullement, que mon Maistre peust refuser l’honneur qui luy alloit estre offert : & elle prevoyoit bien, que s’il l’acceptoit, cela ne pouvoit presque manquer de causer une guerre entre Thomiris & Ciaxare. Cependant il faloit parler, & parler promptement, car la Reine ne luy donnoit point de repos : enfin ayant envoyé querir Chrisante, elle se resolut de luy confier la verité de la chose : & de luy representer apres la luy avoir dite, que s’il aimoit Artamene, il devoit l’empescher d’accepter l’honneur que Thomiris luy offroit : parce que selon toutes les apparences, il n’en joüiroit pas en repos, & auroit trahy son Maistre