Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/22

Cette page n’a pas encore été corrigée

Artamene & Philidaspe : & qu’elle les avoit priez, de vivre du moins comme s’ils s’aimoient, puis qu’ils ne se pouvoient aimer. Si bien que venant à sçavoir qu’ils s’estoient batus, elle en fut surprise & en colere : luy semblant que s’estoit avoir manqué de respect pour elle. Martesie dont je vous ay parlé, estoit sans doute celle de toutes ses Filles qu’elle aimoit le plus : & en laquelle elle se confioit davantage. Mais comme jusques-là elle n’avoit pas eu de grands secrets, elle avoit eu plus de part en sa liberalité qu’en sa confidence : & je croy enfin, que ce que la Princesse pensa d’Artamene en cette occasion ; fut le premier, & l’unique secret, qu’elle confia à Martesie : puis qu’à mon advis, elle n’en a jamais eu d’autre. Il y avoit desja long temps, que la Princesse regardoit mon Maistre avec estime : & j’ay sçeu en effet depuis par Martesie, que des la premiere fois qu’il vit la Princesse, elle le loüa extraordinairement : & qu’en cent autres rencontres depuis celle là, elle l’avoit entendu parler de luy d’une façon dont elle ne l’avoit jamais oüy parler de personne. Elle le trouvoit de bonne mine, elle luy trouvoit l’esprit agreable ; elle le loüoit de sagesse ; elle admiroit sa valeur ; elle ne pouvoit concevoir sa bonne Fortune ; & elle disoit enfin qu’Artamene estoit un miracle : & un protecteur que les Dieux avoient envoyé au Roy son Pere pour la deffence de sa vie, & pour la gloire de son Regne. Mais en cette derniere occasion, la colere ayant un peu agité son esprit, elle fut contrainte d’ouvrir son cœur à Martesie. Je ne sçay (luy dit elle le soir mesme que ce combat fut arrivé) si à l’exemple du Roy, je pourray bien pardonner à Artamene & à Philidaspe : car enfin, Martesie, fut-il jamais