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l’on peut dire qu’il ne sçavoient pas trop bien, ny quand, ny comment ils se vangeroient d’un Rival, qu’ils ne pouvoient perdre sans perdre en mesme temps toutes leurs esperances aupres de Thomiris. Ce fut donc principalement cette raison, qui les obligea de differer leur vangeance : & d’observer encore fort exactement durant quelque temps, les actions d’Artamene, & celles de Thomiris. Ils tomberent mesme d’accord, de se rendre conte de ce qu’ils prendroient chacun de leur costé ; & d’agir conjointement, pour se delivrer d’un si redoutable ennemy. C’estoit certainement une plaisante chose de voir Thomiris, Artamene, Indathirse, & Aripithe ensemble : car Thomiris ne pensoit qu’à donner de l’amour à Artamene ; Artamene ne songeoit, ny à Thomiris, ny à Indathirse, ny à Aripithe, & donnoit toutes ses pensées à Mandane : & Indathirse & Aripithe sans se souvenir plus de la jalousie qu’ils avoient euë l’un de l’autre, ne pensoient plus qu’à celle que leur donnoient Artamene & Thomiris.

Cependant mon Maistre à qui les momens sembloient des Siecles, se mit à presser Terez de demander response à la Reine : & la Reine s’en voyant pressée, assura Terez qu’Artamene auroit de ses nouvelles devant qu’il fust trois jours. De vous representer, Seigneur, quelle fut l’agitation de l’esprit de Thomiris pendant ce temps là, ce seroit une chose assez difficile : suffit de vous dire seulement, que cette Princesse estant fort glorieuse, ce ne fut pas sans peine que son ame altiere & superbe se resolut de luy permettre de commander absolument à Gelonide, de pressentir avec adresse, de Chrisante qu’elle voyoit fort souvent s’entretenir avec elle, si mon Maistre seroit