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mais ma Princesse l’est bien encore davantage : je ne voy point en celle-cy, cette modestie charmante, & cette douceur incomparable, qui est l’ame de la beauté. Enfin (disoit il encore en soupirant) Thomiris n’est pas Mandane : & je voy ce qu’elle a de beau avec autant d’indifference, que j’ay d’attachement pour l’autre. Cependant, Seigneur, la Reine des Massagettes qui n’entendoit pas ce langage müet, & qui n’interpretoit pas comme il faloit, ny les regards, ny les soupirs d’Artamene : creut que peut-estre il l’aimoit sans oser le luy dire : & ce sentiment ne luy donna pas peu de joye. Ce ne fut pas toutefois une joye tranquile : car, disoit elle, peut-estre que la cause de ses soupirs est à Themiscire, bien loing d’estre parmy les Massagettes. Mais aussi, adjoustoit elle, il peut estre que je fais toute sa douleur, comme il fait toute la mienne : car enfin quand je ne voudrois pas croire mon Miroir, & qu’il me seroit suspect de flatterie ; la passion d’Indathirse, & celle d’Aripithe me persuadent assez, qu’il n’est pas impossible de trouver quelque beauté en Thomiris. Esperons donc, disoit elle, & taschons pourtant de ne nous tromper pas, en l’explication d’une chose, qui nous est si importante. Comme elle en estoit là, Terez suivant ce qu’il avoit promis à mon Maistre, la fut trouver, pour commencer de luy proposer le Mariage de Ciaxare : & comme il ne luy dit pas d’abord la chose fort clairement, & que Terez nomma plusieurs fois Artamene : cette Princesse ne sçavoit pas trop bien ce qu’il avoit à luy dire : quoy qu’elle sçeust bien ce qu’elle eust voulu qu’il eust dit. Mais enfin il luy aprit que ces courses de Pyrates dont on luy avoit parlé, n’estoient que le pretexte du voyage d’Artamene : & que sa