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Toutefois pour garder quelque formalité en cette occasion ; il voulut que la Princesse luy vinst demander leur grace : ce qu’elle fit par le commandement absolu du Roy, bien que ce ne fust pas sans repugnance. Apres cette petite ceremonie, il envoya sçavoir de leur santé : & il manda à Artamene, qu’il luy avoit rendu un plus mauvais office en s’exposant ; que s’il avoit hazardé une Bataille legerement. Il fit faire aussi un compliment assez obligeant à Philidaspe : & de cette sorte, la chose s’appaisa plus facilement que l’on ne l’avoit pensé. Ce qui fascha le plus Philidaspe en cette occasion, ce fut de voir que presque toute la Cour prit le party d’Artamene : excepté quelques anciens amis d’Aribée, qui prirent le sien pour plaire à ce Favory.

Cependant, Seigneur, il est temps de vous dire ce que pensa la Princesse en cette rencontre : car encore qu’elle eust demandé la grade de ces deux illustres Criminels, parce que le Roy l’avoit voulu : elle ne sçavoit pourtant pas encore bien, si en son particulier, elle la leur devoit accorder. Je m’en vay sans doute vous dire des choses assez secrettes d’elle : & qui vous devroient donner quelque curiosité de sçavoir comment je les ay sçeuës : c’est pour quoy il vaut mieux vous advertir d’abord, que long temps depuis une de ses Filles nommée Martesie, avec laquelle j’ay eu une amitié assez grande me les a dites : car en ce temps-là, nous n’estions encore qu’en simple civilité l’un pour l’autre : & j’ignorois absolument, ce que je m’en vay vous aprendre. Lors que ce combat se fit, vous pouvez vous souvenir que le jour auparavant, la Princesse avoit fait tout ce qu’elle avoit pû, pour tascher de lier une estroite amitié, entre