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car pour son amour, vous jugez bien que le ne luy en parlay pas. Elle me demanda encore, quelle estoit sa condition : & je luy assuray qu’elle estoit tres noble : mais que j’avois ordre de n’en descouvrir pas davantage. Tant y a Seigneur, pour vous dire la verité, je croy que si la reputation d’Artamene ; sa bonne mine ; sa beauté ; & son esprit ; avoient fait naistre l’amour dans le cœur de Thomiris ; mon discours l’augmenta, & la rendit si puissante, qu’il n’y eut plus moyen de l’en chasser, ny de la vaincre. Je ne doute pas Seigneur, que vous n’ayez quelque curiosité de sçavoir, par quelle voye je sçeu les pensées les plus secrettes de la Reine : c’est pourquoy auparavant que de vous en dire des choses qui vous surprendroient ; il faut que je vous fasse souvenir, que sous le regne du premier Ciaxare, Pere d’Astiage qui vivoit encore, les Scithes avoient envahi toute la Medie : & qu’apres l’avoir possedée durant vingt huit ans, ils en avoient esté chassez. Or Seigneur, en s’en retournant en leur païs, ils emmenerent grand nombre de prisonniers, de tous sexes, de tous âges, & de toutes conditions : & il se trouva qu’un homme de consideration parmy les Managettes, & qui suivoient le Party des Scithes ; estant devenu amoureux d’une Tante d’Aglatidas que vous connoissez, & qui est un homme de si grand merite ; il l’enleva en s’en allant, & l’espousa lors qu’il fut retourné en son païs. Je vous raconte cecy Seigneur, parce que cette Personne vivoit encore, lors que nous fusmes à cette Cour : & avoit conservé une si forte passion pour tout ce qui touchoit en quelque façon la Medie, qu’il n’est point de bons offices qu’elle ne nous rendist : & Chrisante aquit une confiance si particuliere avec Gelonide (