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nous sçeusmes que cette Grande Reine qui n’avoit jamais rien aime ; qui avoit esté mariée fort jeune ; qui estoit demeurée veusve à quinze ans ; qui avoit refusé tous ce qu’il y avoit de Grand dans les deux Scithies ; & qui avoit defendu son cœur, contre l’amour d’Indathirse & d’Aripithe, depuis plus d’un an qu’ils la servoient, & qu’ils en estoient amoureux ; ne pût s’empescher de le laisser surprendre au merite d’Artamene. Mais Seigneur, admirez un peu par quelles voyes les Dieux conduisent les choses, lors qu’ils veulent qu’elles arrivent : quoy que Thomiris eust sçeu une partie des Grandes actions que mon Maistre avoit faites, elle n’en avoit pas sçeu toutes les particularitez : c’est pourquoy ayant eu unel’, curiosité de les aprendre, elle jetta les yeux sur moy. Si bien que mon Maistre m’ayant un jour envoyé vers elle pour luy dire quelque chose : elle me commanda de luy raconter tout ce que je sçavois de la belle vie d’Artamene. Pour moy qui croyois que c’estoit rendre un bon office à mon Maistre, que d’augmenter l’estune que Thomiris avoit pour luy (car je n’avois pas encore le soubçona dont je viens de parler) je luy racontay exactement tous ses combats ; toutes ses victoires ; & tout ce que sa generosité luy avoit fait faire. Comment il avoit sauvé la vie du Roy de Capadoce en exposant la sienne ; le combat des deux cens ; celuy d’Artamene contre Ariane ; je Siege de Cerasie ; les Batailles qu’il avoit gagnées ; ces Armes remarquables qu’il avoit prises le jour de la Conjuration des quarante Chevaliers, les Armes simples qu’il avoit choisies en suitte, pour se cacher à ceux qui le vouloient espargner ; son combat avec Philidaspe ; & enfin generalement tout ce qui luy estoit arrivé à la guerre :